Peut-on encore manifester
en tant que féministes ?

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Je suis féministe et pourtant, je ne vais plus ou presque en manifestations dites féministes. Ce n’est pas par refus de manifester ; au contraire. Je considère qu’il s’agit là d’une action importante pour exprimer nos désaccords politiques, nos soutiens et incarner dans l’espace public une forme de résistance concrète et solidaire. Je suis allée manifester pour la Palestine, pour le Congo, contre la réforme des retraites, contre la présence du RN au second tour des élections présidentielles…

Mais je ne suis pas allée aux dernières manifestations du 8 mars (journée de lutte pour les droits des femmes) ou du 25 novembre (journée de lutte contre les violences faites aux femmes). L’intitulé de cette dernière était déjà un peu flou : « violences liées au genre »…

Pour être honnête, je me sens désormais plus en sécurité et plus à même d’exprimer des opinions féministes dans des manifestations dont ce n’est pas le sujet premier. Il est plus facile pour moi de porter des slogans et des pancartes dénonçant les violences faites aux femmes dans une manifestation contre la colonisation, je me sens plus à l’aise pour dénoncer le poids du care et des inégalités dans le monde professionnel lors d’une manifestation liée aux retraites ou aux réformes dans tel ou tel domaine professionnel que lors du 8 mars ou du 25 novembre. Une marche relative au climat est une occasion plus intéressante pour moi de mettre en avant le lien entre les femmes et la nature, d’échanger sur l’écoféminisme ou sur les violences spécifiques que subissent les femmes, en première ligne lorsqu’il s’agit de la destruction de notre seule maison, cette planète Terre.

Ce mois-ci, j’ai encore assisté à des événements qui renforcent ce triste constat et me poussent à écrire à ce sujet. Lors de la manifestation du 8 mars, des femmes venues apporter leur soutien aux femmes victimes de la colonisation, en l’occurrence les Palestiniennes, ont été violentées par des hommes à la solde d’un groupe sioniste qui se prétend être féministe (à savoir le collectif « Nous vivrons1 », qui a aussi accusé la France Insoumise de soutien au Hamas).

Dans quel monde pouvons-nous accepter que des femmes soient frappées, gazées, insultées, intimidées par des hommes lors du 8 mars, dans la rue, dans un cadre prétendument sorore et sécure ?

Comment est-il possible que les organisatrices de cette marche aient validé la présence de ce groupe sioniste, qui est donc un groupe colonial et impérialiste, et, de plus, avec la venue d’un service d’ordre masculin ?

Je n’ai pas été étonnée par ces violences. Les hommes sont de plus en plus infiltrés dans les groupes, les associations et les évènements féministes prétextant à chaque fois une raison différente. Le résultat est par contre toujours le même : des violences envers les femmes.

Qu’il s’agisse d’une agression envers des lesbiennes revendiquant l’importance du sexe, des attaques contre des femmes qui auraient exprimé des avis divergents en ligne, des coups contre des femmes refusant la colonisation, des insultes contre des survivantes de la prostitution… J’ajouterais aussi la violence contre des groupes de femmes de droite, je pense ici au collectif Némésis, de la part, encore une fois, d’hommes, dans des manifestations féministes1. Si nous ne partageons aucunement les idées de ces femmes, est-il toutefois normal et acceptable qu’elles soient agressées par des hommes au sein de manifestations dont nous nous réclamons ?

Comment encore manifester féministement depuis quelques années ?

Je me pose souvent la question, la réponse elle, m’échappe.

Doit-on persévérer et maintenir nos présences sur ces dates emblématiques et ces événements matrimoniaux mais quasiment institutionnalisés, malgré les dangers potentiels ? Doit-on s’organiser au sein de ces évènements ou au contraire, pousser l’organisation plus loin et s’emparer d’autres dates, d’autres formes de protestation et d’existence publiques ?

Est-il cohérent et pertinent de marcher, défiler aux côtés de groupes dont les valeurs ne correspondent absolument pas aux nôtres (comme un groupe sioniste, religieux ou raciste), même s’iels ne font pas preuve de violence envers nous ? On peut aussi songer aux groupes qui parlent de « travail du sexe » et souhaitent légaliser la prostitution, qui défendent la pornographie et autres violences sexistes, qui se sont pourtant malheureusement invités, de façon désormais régulière, aux manifestations censées dénoncer l’exploitation et la torture des femmes dans le monde.

Notre présence peut être perçue comme une résistance, mais finalement, sommes-nous encore entendables et visibles dans une foule de « féministes libérales » ?

Encore une fois, je n’ai pas de réponse.

Toutefois, il me paraît plus que jamais nécessaire de manifester en tant que femmes féministes aux côtés d’autres groupes marginalisés dans des espaces et des moments de luttes connexes, qu’elles soient écologistes, sociales ou anticoloniales.

A.

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1 https://www.nous-vivrons.fr/


2 En novembre 2021, lors de la manifestation organisée par Nous Toutes, des affrontements ont eu lieu entre le groupe Nemesis et des hommes revendiqués antifascistes.

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