Aux racines des ronces

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« Gare pour le vieux monde le jour où les femmes diront : C’est assez comme cela ! Elles ne lâchent pas, elles ; en elles s’est réfugiée la force, elles ne sont pas usées. Gare aux femmes ! »
Mémoires, Louise Michel

Bienvenue à toutes,

Cet article est un peu spécial car il est le premier de ce site et marque le début d’une entreprise féministe et sorore que nous sommes très heureuses de partager avec vous. Lancer notre site en janvier n’est ni un hasard ni un projet de début d’année ; il s’agit du mois de la mort de Louise Michel ainsi que de la naissance de Simone de Beauvoir et d’Angela Davis, le mois de la loi Veil et bien plus encore… Louise Michel et Simone de Beauvoir, deux figures tutélaires du féminisme français, parfois méconnues ou mal lues, dont l’héritage nous inspire et dont les valeurs dessinent l’horizon de ce site féministe, tout comme Angela Davis dans le monde anglophone. Trois femmes engagées dans la transmission des savoirs, des idéaux et aux envies de justice assez larges pour représenter trois étoiles brillantes vers lesquelles tendre. Il est évident qu’en créant un site internet nous avons à cœur de partager nos réflexions, nos analyses et avons donc le souci de tisser un lien avec celleux qui nous liront. Les démarches pédagogues et intellectuelles de Simone de Beauvoir comme de Louise Michel sont, à ce titre, des références.

Chez Simone de Beauvoir, nous retiendrons Le Deuxième Sexe qui a fédéré et libéré tant de femmes, classique salvateur qui mérite d’être (re)lu. Nous retenons aussi son engagement contre la colonisation française en Algérie ou ailleurs, sa liberté et cet esprit analytique si impressionnant. Louise Michel, elle, institutrice, communarde qui deviendra anarchiste, nous inspire par sa force, son courage, son dévouement total à la cause libertaire et féministe ancrée dans une action concrète et plurielle. Louise Michel qui défendra la lutte pour la libération des Kanak lorsqu’elle est envoyée au bagne en Nouvelle Calédonie, Louise Michel qui est aussi cette poète pleine d’empathie pour la nature et les animaux, qui a laissé des textes magistraux sur la douceur, la souffrance, la liberté et la justice.

« Pendant l’insurrection canaque, par une nuit de tempête, j’entendis frapper à la porte de mon compartiment de la case. Qui est là ? demandai-je. — Taïau, répondit-on. Je reconnus la voix de nos Canaques apporteurs de vivres (taïau signifie ami). C’étaient eux, en effet ; ils venaient me dire adieu avant de s’en aller à la nage par la tempête rejoindre les leurs, pour battre méchants Blancs, disaient-ils. Alors cette écharpe rouge de la Commune que j’avais conservée à travers mille difficultés, je la partageai en deux et la leur donnai en souvenir. »
La Commune, Louise Michel
Malgré cette constellation de qualités, de forces et de valeurs en commun nous n’idéalisons pas ces femmes, nous ne nions pas les limites de leur pensée ou de leurs engagements. Elles sont humaines, imparfaites et inscrites dans leur temporalité (ponctuellement de façon très critiquable). Nous remarquons toutefois qu’elles s’en sont démarquées par leur intelligence, certes, mais également par leurs qualités humaines qui ont donné cette couleur particulière à leur féminisme. Notre démarche féministe va en ce sens : célébrer le matrimoine des femmes qui nous ont précédées, apprendre d’elles avec humilité tout en contextualisant, en créant des ponts avec les savoirs et les avancées qui sont les nôtres au XXIe siècle. Nous ne sommes pas là pour adorer de nouvelles idoles, ni pour brûler quiconque au nom d’une pureté idéologique.
De l’autre côté de l’Océan Atlantique, Angela Davis est une boussole d’éthique et de morale, présente dans l’ensemble des combats : le féminisme, la lutte contre le racisme, les droits des animaux, la libération des peuples opprimés dont celui de la Palestine… Angela Davis incarne cette force de changement, de mutation profonde, radicale (à la racine). D’elle aussi, nous nous réclamons.

« It is in collectivities that we find reservoirs of hope and optimism. »

[C’est dans le collectif que nous trouvons des réservoirs d’espoir et d’optimisme.]

Freedom is a constant struggle, Angela Y. Davis
Louise Michel, comme Simone de Beauvoir et Angela Davis, ont tendu l’oreille pour écouter les souffrances et les injustices de leur temps, elles ont pris la plume et/ou la rue pour se faire entendre. Il y a fort à parier que les deux premières auraient eu un site internet, une chaîne Youtube ou un podcast si elles avaient connu Internet – quant à Angela Davis, elle continue de porter son combat pour les opprimé·es aujourd’hui encore. Nous espérons faire de même, écouter, analyser, galvaniser et rassembler à une époque où nous, femmes, avons tant acquis mais où tant reste à faire, et où le féminisme doit presque s’excuser d’exister, même dans les milieux militants. Et puisqu’il faut se quitter, ce sont là les dernières lignes de cette introduction, nous sommes très enthousiastes à l’idée de réfléchir avec vous, de féminister ensemble, nous espérons qu’il en est de même pour vous !
« Pareils aux fruits verts, nous ne serons bons qu’à engraisser le sol, mais ceux [celles] qui viendront après nous porteront semence pour la justice et la liberté. La sève qui monte, à notre époque de transition, est puissante. »
Mémoires, Louise Michel

A.

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Norig 06/02/2024 - 17h52

Oh, merci beaucoup pour votre travail ! J’ai vraiment hâte de voir ce que ce site va donner et j’ai hâte notamment de lire les articles concernant la prostitution ! On a vraiment besoin du retour d’un véritable féminisme qui ne fait pas de compromis avec le patriarcat et l’oppresseur. De recentrer les femmes dans le combat et de ne plus se plier en quatre pour ménager les sentiments masculin. D’avoir une sororité véritable plus qu’une pseudo-adelphie sans âme. Le paradoxe de cette époque est que la colère des femmes gronde plus chaque jour, mais que nous nous sommes réveillées trop tard, alors qu’il ne nous reste plus qu’un “féminisme” pro-opression et pensée positive et que nos espaces pour canaliser cette colère en énergie libératrice ont disparus et ont été même volés par les hommes, qui utilisent maintenant les termes féministes pour être misogynes…Dans le monde tel qu’il est, il est effectivement vital de se réapproprier notre matrimoine et nos identités de femmes en dehors des définitions de “féminité” qu’en font les hommes. De reprendre de l’espace, à contre-courant si nécessaire. Ensemble, entre sœurs.

J’espère de tout cœur que vous saurez toucher de larges audiences. Je vais essayer de vous promouvoir sur mes petites plateformes. Sera-t-il possible de vous faire des donations à un certain point ? Je reçois régulièrement des menaces et insultes de la part de mâles blessés dans leurs fragiles égos et je fais régulièrement des donations à des groupes féministes en proportion à la note que je donne à leurs insultes (voyez-vous, je privilégie la haine de qualité plutôt que la haine de quantité à mon égard). Je serais honorée de pouvoir utiliser le venin de ces hommes comme composte pour votre site avec mes petits sous lorsque j’en ai 🙂

Tant de femmes ont des analyses brillantes et profondes…j’ai hâte de voir les vôtres et d’en apprendre plus sur les différentes aïeules qui ont paveté le chemin pour nous. J’ai notamment très envie de voir s’il m’est possible de réconcilier le féminisme de racines plutôt Marxiste avec celui plutôt anarchiste. J’ai encore beaucoup à lire sur le sujet, mais lire vos publications m’aidera certainement à démêler tout ça.

Pour terminer ce commentaire, j’aime vraiment beaucoup l’esthétique très classe, sobre et pro du site, la “vibe” colle bien à la lutte féministe, à quelque chose à la fois d’agréable à lire et un esprit journalistique/analyste. On s’y sent chez soi sans distractions. De plus, le nom que vous avez choisi est absolument parfait ! J’adore votre explication ! J’aurais probablement choisi un nom similaire. Une notion de force, de profondeur, de transmission associée à quelque chose de nourrissant (pour l’esprit) comme la mûre et de délicat (et donc souvent associé aux femmes dans l’histoire) comme la fleur. Mais avec une idée de “qui s’y frotte, s’y pique”. Les idées que me renvoient ce nom évoquent tout de suite les premières luttes féministes (le féminisme “pas rigolo” et sans complaisance, qui n’a pas peur de se faire appeler misandre ou hystérique par le reste du monde). C’est aussi fort approprié d’utiliser la nature comme “blason”, au regard des théories éco-feministes.

Encore merci pour votre travail et belle et longue vie à Ronces et Racines ! Liberté, égalité, sororité !

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Ilya 07/02/2024 - 9h14

Bonjour, merci pour ce beau commentaire, le tout premier de notre site !
Nous sommes ravies que l’idée soit motivante pour d’autres femmes, c’est vraiment notre objectif. N’hésitez pas à contribuer en nous proposant des textes allant dans le sens des valeurs que vous décrivez !
Pour l’instant nous n’avons pas besoin d’argent, mais vous pouvez donner aux associations qui s’occupent des femmes victimes de violences conjugales ou en situation de prostitution, ça leur sera utile.
Belle journée et à bientôt à travers nos articles

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