La prostitution : une question
de vocabulaire ?

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Je vous préviens d’emblée : dans ce texte, il y aura beaucoup de guillemets, car on va parler de vocabulaire, de sens et de connotation des mots. Je refuse de prendre pour neutres et factuels les termes émanant du système prostitutionnel pour se décrire lui-même, qu’ils s’inscrivent dans un décorum de velours chez les hommes de droite, ou à paillettes chez les féministes libérales. Je vais essayer de décortiquer ces enveloppes théoriques que sont les mots de la prostitution, afin de comprendre quels concepts ils désignent réellement, et quelles connotations ils apportent avec eux.

Étymologie : revenir à la racine du mot
Le mot prostitution vient du verbe latin prostituo, qui signifie « mettre en avant, exposer, mettre en vente ». Il y a déjà dans cette étymologie deux éléments constitutifs de la prostitution : l’objectification d’une personne, présentée et vendue comme un vulgaire objet, et le rôle du prostitueur (j’appelle ainsi le « client »), indissociable du phénomène de la prostitution. Sans spectateur, pas de monstration, sans public, pas d’exposition, sans acheteur, pas de vente. Bref, sans prostitueur, pas de prostitution. De la même racine latine on obtient les deux autres rôles principaux qui participent au phénomène : celui du prostitutor (le prostitueur-patron, le proxénète) et celui de la prostituta (la femme que l’on prostitue, et qui est donc désignée par le rôle passif qu’on lui attribue, marqué par le participe passé : elle est prostituée, elle n’est pas prostituante).
De ce mot latin dérive le nom de « prostitution » que l’on emploie aujourd’hui dans l’immense majorité des langues et dialectes européens1, pour désigner le phénomène social qui consiste en l’exploitation sexuelle marchande2 des femmes par les hommes3.
Ainsi l’on voit que, dès le départ, lorsque le mot fut posé sur le phénomène, l’on savait de quoi il en retournait quant à cette « activité ». Mais, évidemment, les oppresseurs évitent autant que possible de nommer correctement l’oppression qu’ils exercent. Pour faire accepter l’iniquité de la situation dont ils sont responsables, ils vont toujours faire montre d’une fâcheuse tendance à changer le vocabulaire, à euphémiser le champ lexical qui sert à décrire leur position d’oppresseurs.
L’euphémisation du phénomène
Au cours des siècles, le système d’exploitation prostitutionnel fut enrobé de tout un tas de qualificatifs visant à le présenter comme inoffensif, normal, voire positif. Qui n’a jamais entendu que c’était le « le plus vieux métier du monde » ? L’expression fut forgée par un homme – occidental, et impérialiste, par ailleurs –, Rudyard Kipling, dans une Angleterre du XIXe siècle pourtant reconnue pour son puritanisme. Qui n’a jamais lu dans un quelconque reportage que les prostituées « font le trottoir » (non, elles ne se contentent pas de marcher en ville, la métonymie a bon dos…), que « les filles vendent leurs charmes4 » (se faire étrangler en étant sodomisée, c’est « vendre ses charmes », ok)… Même la définition du wiktionnaire (le dictionnaire de Wikipédia), censée être objective donc, décrit l’expression « aller aux putes » par un bel euphémisme : « Partir s’adonner, comme client, aux amours vénales ». C’est joli, c’est exotique, ça évite de parler de viol.
Il ne s’agit là que d’expressions françaises, mais on retrouve de telles variations dans la plupart des langues. En réalité, les chantres de la prostitution savent très bien de quoi ils parlent : ainsi, Alexandre Parent du Châtelet, l’un des principaux promoteurs du modèle réglementariste5 de la prostitution, dans la France de la Restauration, nommait la prostitution « égout séminal6 » – comme tous les réglementaristes, il la considérait comme un « mal nécessaire ».
Outre les expressions langagières, de nombreux auteurs mâles se sont épanchés sur la question de la prostitution, montrant toujours le même mépris pour les femmes en général, et pour les prostituées en particulier. Le sujet de la prostituée en littérature et dans « le monde intellectuel » (c’est-à-dire, généralement, celui des hommes) mériterait sûrement quelques thèses de doctorats. Je me contenterai de citer un exemple significatif de ce mépris toujours d’actualité : « Les femmes tombent parfois dans la prostitution parce que c’est plus facile de transformer son corps en marchandise que son cerveau en un instrument de réflexion », nous explique Alain Mabanckou, auteur contemporain franco-congolais. Bien sûr. Ce n’est pas la faute des prostitueurs-consommateurs, des proxénètes, de la société qui précarise les femmes : non, c’est qu’elles sont trop bêtes pour réfléchir et sortir de leur misère par d’autres moyens.
Les noms de lieux de la prostitution
C’est la même chose en ce qui concerne les lieux de la prostitution, des endroits prévus pour le viol industriel de femmes, à longueur de nuits et de journées. « Maison close », « bordel », « maison de passe », « boxon », « garçonnière », « maison de tolérance » évoquent de façon somme toute glamour et insolente les aventures des artistes et intellectuels des XIXe et XXe siècles. Des lieux de velours, de stupre et de fumée racontés en long en large et en travers dans la littérature occidentale puis plus tard dans les productions cinématographiques. Aujourd’hui, l’usage sordide des locaux reste le même, mais les appellations ont évolué – enfin, ça reste d’incroyables euphémismes. Le décorum « olé olé », « grivois », « polisson », « sulfureux » a muté en un champ lexical aride, presque administratif, se voulant neutre : les bordels se présentent aujourd’hui sous les noms de « salons de massages érotiques », « clubs de divertissement pour adultes », « services de rencontres7 »…
Pourtant, ces lieux sont bien des usines à viol. C’est-à-dire des lieux de production où entre la matière première, les femmes, et desquels il ressort un produit acquis par le « client », le viol, le tout à grande échelle (les bordels fonctionnent sur de très larges plages horaires, parfois sans interruption). Il n’y a rien de glamour ou cool là-dedans, c’est une réalité sordide.
La désignation des femmes en situation de prostitution
Nous en arrivons à l’élément central du vocabulaire de la prostitution : la désignation des femmes concernées. Si l’oppresseur évite de nommer l’oppression, il ne se gêne pas, en revanche, pour se servir du langage comme d’un outil même de cette oppression. Dénigrer la personne opprimée fait toujours partie de la situation inégalitaire : il faut convaincre par les mots que celle-ci mérite son oppression, qu’elle est un sous-humain (c’est-à-dire, en régime patriarcal, un sous-homme), qu’elle est inférieure par essence à l’oppresseur. Il en va ainsi du racisme, du sexisme, de l’homophobie, etc.
Mépriser les femmes et mépriser les prostituées, un même principe
Les femmes en situation de prostitution, donc, furent longtemps désignées par des termes particulièrement dégradants, tels que « pute », « putain » ou « salope ». Mais, me direz-vous, pourquoi diable dénigrer les femmes du fait d’une position subalterne où elles ont été mises par les hommes eux-mêmes, directement ou à travers la société dont ils tiennent les rênes ? Eh bien, les prostituées étaient méprisées simplement car elles étaient des femmes, et qu’elles avaient des relations sexuelles avec plusieurs hommes différents, hors mariage. Les femmes non prostituées à qui il pouvait arriver de se retrouver dans une situation semblable si l’on ne retient que ces critères, c’est-à-dire coucher avec plusieurs hommes, tromper leur mari ou avoir des relations extra-conjugales, étaient dénigrées de la même manière que les prostituées. Ainsi, il me semble que ce n’est pas tant la vente d’actes sexuels, le fait de demander rémunération pour ça, que la pratique du sexe en lui-même qui était (et continue d’être) jugée déshonorante pour les femmes. C’est ce qu’on nomme aujourd’hui « slut shaming », et ce contre quoi les féministes se battent à juste titre. Une femme doit pouvoir donner libre cours à sa sexualité sans subir un quelconque jugement de la société (évidemment, dans la mesure où la dignité de chacun·e est respectée).
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les femmes qui assument une sexualité riche, enjouée, qui n’ont pas honte de multiplier les partenaires, ou simplement de parler de leur désir sexuel et de sa satisfaction, se font encore et toujours traiter de « putes ». Ou de son terme jumeau « salope », qui est presque plus dénigrant encore : car dans la bouche poisseuse des hommes qui l’émettent, l’insulte de « salope » sous-entend que cette conne de pute n’est même pas foutue de se faire de la thune sur son intérêt pour le sexe. Un discours que l’on retrouve aussi chez certaines femmes prostituées qui défendent la prostitution d’ailleurs, mécontentes des femmes qui « baisent gratuitement » car ça fait baisser la demande pour leurs « services8 »… De ce fait, l’argument des « pro-sexe9 », selon lequel changer le vocabulaire de la prostitution permettrait de « déstigmatiser » les femmes en situation de prostitution, semble tout sauf convaincant.
Euphémiser le phénomène, ici encore
Mais, en parallèle, il s’agit quand même toujours de faire semblant que la prostitution est un phénomène normal et sain pour la société. Une multitude de mots a donc été créée pour atténuer la connotation « immorale » du terme « prostituée ». Ces noms-là ont tantôt à voir avec la femellité des concernées, tantôt avec une partie connexe de l’activité, tantôt avec la catégorie sociale des femmes en situation de prostitution.
Eh oui, naître en étant de sexe féminin suffit bien souvent à ce que les hommes nous considèrent comme des putes – mais ils préféreront le mot « filles » à « femmes », ce dernier étant réservé aux épouses bien rangées dans les sociétés sexistes hétéronormées. Ainsi, le simple qualificatif de « fille » sert souvent à désigner les prostituées, dans la langue française, avec ses variations « fille de joie », « fille facile », « fille de mauvaise vie », « fille de petite vertu » (notez comme les équivalents masculins brillent par leur absence), etc. Dans la deuxième catégorie, décrivant les prostituées par un pan de leur activité, on trouve « ambulante », « péripatéticienne » (du grec peripatein, « se promener »), « agenouillée », « marcheuse », « retapeuse », « tapineuse », « nuiteuse », « cabrioleuse », « grande horizontale », enfin bref, la liste est presque infinie. Enfin, pour classer les femmes prostituées selon leur statut social, ce qui se faisait notamment au XIXe siècle, on les distinguait par leur appellation même : les plus fortunées étaient les « demi-mondaines » (selon Alexandre Dumas fils, pour qui, en gros, la demi-mondaine commence là où l’épouse pleinement mondaine et « respectable » finit). Elles étaient suivies, dans la hiérarchie sociale, par les cocottes et les cocodettes. Tout en bas de la hiérarchie, méprisées au plus haut point, se trouvaient celles qui n’avaient pas de logement et traînaient en haillons dans les rues, les « gotons » (du prénom Margot, pour souligner l’origine paysanne, populaire ou vulgaire, de ces femmes).
Termes rabaissants et appellations normalisantes visent ainsi souvent à expliquer la condition des « putes » par le simple fait qu’elles sont des femmes, ou symétriquement de ramener leur condition de femme à un équivalent de « pute ». Théophile Gautier, « grand » poète français du XIXe siècle, ne déclarait-il pas que « la prostitution, c’est l’état ordinaire de la femme » ? Les deux catégories de noms s’emploient en fonction d’objectifs différents. Sans grande surprise, c’est dans le porno et dans les commentaires des clients que l’euphémisation, prévue pour la sphère publique (celle où l’on débat, où l’on passe des lois) se dissout pour laisser place aux termes les plus cru(el)s.
« Sex work is work », ou comment le patriarcat s’adapte à son époque
Aujourd’hui, on observe une dichotomie dans les termes employés pour désigner les prostituées : d’un côté, les prostitueurs et/ou les moralisateurs misogynes continuent de les qualifier de « putes ». C’est le nom qu’on retrouve le plus sur les forums des clients, très souvent accompagné de qualificatifs racistes, sexistes, classistes et autres. Ici encore, les consommateurs-violeurs savent de qui, de quoi ils parlent. De l’autre, un discours se développe depuis quelques décennies, qui tente de normaliser la prostitution autour notamment du concept de « travail du sexe », abrégé en « TDS ». Pour cela, il faut se débarrasser du folklore que le phénomène charrie avec lui, il faut rendre le champ lexical neutre, plat, insipide, bref, drapé dans une prétendue objectivité, loin de toute considération morale.
Chez les proxénètes-exploiteurs, les femmes en situation de prostitution sont aujourd’hui renommées « escorte », « escort girl », « call girl », « sugar baby »… Notez comme le franglais fait irruption dans le domaine, puisque les pratiques de consommation du corps des femmes s’internationalisent. Notez aussi comme on ne les nomme pas « femmes », ce qu’elles sont pourtant, mais, comme dans les anciennes désignations communes, « girls », « filles » (enfants, donc) voire « bébés ». Cela dénote une volonté littérale d’infantilisation, tant pour rabaisser ces femmes que parce que cela s’inscrit dans la culture pédocriminelle.
Et puis, récemment, dans une optique encore plus ostensiblement normalisatrice, sont apparus les termes « professionnelles » et « travailleuses du sexe ». L’expression « travail du sexe » a été forgée en anglais en 1978, par une femme prostituée pro-sexe, Carol Leigh. Peut-être est-il utile de préciser que Carol Leigh était étatsunienne, blanche, blonde, possédait les papiers du pays dans lequel elle vivait. Bref, c’était une prostituée privilégiée10, dont les conditions d’exercice n’avaient rien à voir avec l’écrasante majorité des « concernées11 » dans le monde. Depuis, l’expression a été récupérée et traduite dans la plupart des régions du monde. Pour les promoteurs de la prostitution, elle permet de neutraliser toute connotation négative encore liée à ce phénomène social, et est considérée comme « empowering » (empouvoirante).
Avec l’expression « travail du sexe », la personne prostituée semble valorisée : elle n’est plus passive mais active, elle est avant tout une « travailleuse » ; dans quoi, dans le domaine « du sexe ». Évidemment, en tant que féministes, nous soutenons les prostituées (aussi étrange que cela puisse paraître aux « pro-sexe », c’est parce que nous les écoutons et les soutenons que nous nous battons pour l’abolition du système qui permet leur exploitation), et nous sommes opposées à leur stigmatisation puritaine. Mais pour nous, la question n’est pas là. D’abord, le viol est-il du sexe ? Le viol, c’est une relation sexuelle imposée à quelqu’un par contrainte, force ou surprise. Il implique effectivement un rapport sexuel, mais de nombreux travaux féministes se sont évertués à montrer qu’il s’agit avant tout de violence, de domination12. Or dans la prostitution, il y a contrainte financière : le « client » donc viole la prostituée, qui n’aurait pas couché avec lui sans l’argent en jeu.
« Travail du sexe », c’est vrai que ça correspond plus à l’époque. Plus encore qu’au XIXe siècle, aujourd’hui tout doit pouvoir être marchandé, vendu, acheté. La prostitution « travail du sexe », c’est l’ubérisation dans le domaine du corps, de l’intimité, du consentement. Chaque partie de son corps, et chaque activité dans laquelle on s’implique, doit pouvoir être rentabilisée à travers une forme d’auto-exploitation. Dans le domaine du sexe marchandisé, la « travailleuse » est (soi-disant, puisque c’est lorsqu’elle n’est pas sous l’emprise d’un proxénète) sa propre « patronne », et le « client », en quelques clics sur un site ou une app, commande son plateau-repas sexuel.
La pénétration violente de son vagin par un inconnu ou l’humiliation physique et verbale par un pervers, pourquoi ça serait pas un job comme un autre, au même titre que la vente boulangère ? Il faut normaliser ce phénomène, puisque c’est ce que les hommes demandent. Évidemment, si la prostitution est un job, celui qui y fait appel est un simple « client ». Qu’il achète un pantalon ou du sexe non consenti, le même terme doit pouvoir s’appliquer, selon les libéraux.
Le « client », le cœur du problème : sans prostitueur, pas de prostitution
Pour les « pro-sexe », qui défendent l’industrie du viol rémunéré, il ne faudrait surtout pas « shamer » (humilier, faire honte à) l’exploitant – le proxénète, mais surtout le « client », n’est-ce pas ! Car lui faire porter la honte qu’il mérite, c’est remettre en cause le système prostitutionnel même, et ça, c’est mal. C’est vrai que c’est hyper engagé, de ne pas dénoncer les pervers dégueulasses qui trouvent ça normal de payer pour violer, de refuser qu’on utilise des mots un peu méchants pour les désigner. Il faudrait pas froisser leurs petits ressentis de connards.
C’est bien au « client », au consommateur de viols achetés, et au proxénète, bref, aux hommes, que profite cette « déstigmatisation ». La réalité, c’est que ce sont tous les exploiteurs qui gravitent autour de la prostitution qui en bénéficient, bien avant les quelques prostituées privilégiées qui trouvent parfois leur compte dans la normalisation du phénomène. Et cela, en tant que féministes, nous le refusons. Le client-prostitueur et le proxénète devraient mourir de honte, si on mesure leurs actes à l’aune des valeurs qui nous servent de compas moral pour juger de l’ensemble de la société : dignité humaine, décence, respect, égalité, sororité/fraternité, etc.
En guise de conclusion
Alors, comment parler au mieux de la prostitution ? Eh bien, l’activité peut garder son nom, dont l’étymologie, nous l’avons vu, correspond toujours au phénomène actuel. Rappelons que la prostitution, c’est la conséquence d’une société inégalitaire et injuste : des femmes se retrouvent dans une situation si précaire, financièrement, économiquement, socialement, politiquement, qu’elles doivent vendre leur consentement pour survivre13. C’est-à-dire céder contre rémunération l’accès à leur intimité, à leurs organes sexuels ou sexualisés, à l’extériorité et à l’intériorité de leur corps. Bref, la prostitution c’est du viol rémunéré. Pour évoquer l’aspect systémique de la chose, on peut parler de système d’exploitation prostitutionnel.
Les concernées peuvent être désignées par « femmes en situation de prostitution » ou « femmes prostituées », car la prostitution ne définit ni leur personnalité, ni leur état permanent, ni une activité normale. Les concernés « clients » et proxénètes doivent être désignés par ce qu’ils sont : des prostitueurs, des violeurs par contrainte économique, des exploiteurs sexuels, parfois même des esclavagistes. Et pour les lieux autorisés dans certains pays, je propose « usine à viol », pour évacuer définitivement le folklore positif qui leur est encore attaché.

Les mots sont importants. Nous devons pouvoir dire les choses telles qu’elles sont, car bien nommer c’est déjà agir dans la bonne direction. Si nous enrobons nos oppressions d’un coulis gluant d’euphémismes, on n’en tirera rien, on permettra seulement aux hommes de s’en délecter plus avant. Ne nous laissons pas déposséder des mots de nos combats ; refusons de nous taire sur la réalité que le patriarcat nous impose.

Ilya

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1 Pour avoir une idée : on emploie un mot forgé à partir de cette racine en allemand, danois, hongrois, occitan, lituanien, tchèque, portugais, etc.


2« Marchande », car la prostitution implique une transaction. Mais pas nécessairement « rémunérée », puisque les prostituées subissant la traite et l’esclavage sexuel ne touche pas un sou, tout leur est volé par leurs proxénètes.


3 Les personnes prostituées à travers le monde sont dans une écrasante majorité des femmes, puis des enfants ; les « clients » sont en écrasante majorité des hommes. J’emploie donc le féminin générique pour désigner les premières, et le masculin générique pour les seconds.


4 Par exemple, cette expression est employée dans l’émission Ça commence aujourd’hui du 17/03/2022 (disponible sur Youtube) pour parler de jeunes femmes de 19 ans et moins.


5 Le modèle réglementariste reconnaît la prostitution comme une activité parmi d’autres, et a pour but d’encadrer les conditions d’exercice des prostituées. C’est l’un des modèles que prônent les pro-prostitution contemporain·es.


6 Alexandre Parent du Châtelet, De la Prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration, 1836.


7 Toutes ces appellations figurent par exemple sur Google Maps pour désigner les bordels, dans les pays où ils sont légaux mais parfois aussi dans ceux qui interdisent le recours des prostitueurs à la prostitution.


8 Mona Chollet cite ainsi la célèbre prostituée militante suisse Grisélidis Réal, qui réagit, choquée, au portrait d’une femme sexuellement libre et active rédigé dans une revue : « Quand je pense au mal que nous avons, nous les vraies Putes honnêtes, à gagner notre vie et à trouver des clients, il faut encore qu’il y ait des salopes qui nous les fauchent gratuitement et sans aucune hygiène, c’est scandaleux » et « [si cette femme] avait le courage et l’honnêteté de faire la Pute en se faisant payer, elle gagnerait sa vie tout en vivant toutes sortes d’aventures et, en plus, elle ne nous ferait pas une concurrence malhonnête et illégale, ce qui est vraiment inadmissible ». Grisélidis Réal, La Passe imaginaire, 1993, et Mona Chollet, Beauté Fatale, 2015, p.259.


9 Nous refusons évidemment cette dénomination. Faut-il préciser que les féministes abolitionnistes de la prostitution sont pour le sexe libre et consenti, et contre le viol ? Comment peut-on se dire « pro-sexe » quand ce que l’on défend en réalité c’est l’industrie de l’exploitation sexuelle des femmes par les hommes ?


10 Privilégiée par rapport à l’écrasante majorité des femmes en situation de prostitution. Cependant, le viol reste du viol, qu’il se passe dans des draps de soie ou à l’arrière d’un fourgon. Il n’existe pas de forme de viol acceptable, et donc pas de prostitution acceptable dans un monde où une femme le fait contre de l’argent dont elle estime avoir besoin.


11 Le terme « concerné·e » est en vogue, il s’agirait aujourd’hui de ne plus donner la parole sur un sujet donné qu’à des personnes qui le vivraient directement. Au-delà du rabougrissement intellectuel que cela signifie, de la non-scientificité de la chose, c’est l’un des arguments principaux des « pro-sexe ». « Donnez la parole aux concerné·es !! », s’époumonent-iels, tout en oubliant l’écrasante majorité de concernées qui ne vont pas dans leur sens, c’est-à-dire dont l’expérience ne se superpose pas à la fable qu’ils veulent nous faire gober.


12 Comme le dit la féministe Audre Lorde : « rape is not aggressive sexuality, it is sexualized aggression » (le viol n'est une sexualité agressive, c'est une agression sexualisée). Voir à ce sujet les travaux de la psychiatre française Muriel Salmona, qui écrit : « Les violences sexuelles n'ont rien à voir avec un désir sexuel ni avec des pulsions sexuelles, ce sont des armes très efficaces pour détruire et dégrader l'autre, le soumettre et le réduire à l'état d'objet et d'esclave. Il s'agit avant tout de dominer et d'exercer sa toute-puissance. » À lire ici.


13 En outre, la majorité des femmes prostituées ont été victimes d’abus sexuels au cours de leur enfance, leur adolescence ou leur jeunesse. Il ne s’agit pas d’un hasard si ces filles et jeunes femmes se retrouvent plus tard en situation de prostitution, et sont plus vulnérables au grooming (prédation d’adultes sur des mineurs ou jeunes femmes). Andrea Dworkin écrivait : « L’inceste, c’est le camp d’entraînement pour la prostitution » (Dworkin, Prostitution and Male Supremacy, 1993).

2 commentaires

Ivan 06/05/2024 - 16h06

Merci pour cet excellent article !
Dans le même sens, il y a aussi le Strass qui se revendiquait “syndicat du travail sexuel” dans le but de normaliser la prostitution.
D’ailleurs un des co-fondateur du Strass, Jean-François Poupel, ne s’y était pas trompé, et après une “étude de marché”, il avait considéré qu’il gagnerait plus en tant que prostitué en se travestissant. Il s’agit bien d’un système patriarcal d’exploitation des femmes par les hommes.
Et lors de la création de cette association, on pouvait d’ailleurs lire comme slogan l’euphémisme “Oui à la liberté de déambuler”. https://mediaclip.ina.fr/fr/i21103016-creation-du-strass-syndicat-des-travailleurs-du-sexe.html#

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Ilya 09/05/2024 - 13h22

Merci pour ce retour, c’est vrai que je n’ai pas pensé au STRASS mais ça participe exactement de la même logique : tordre ou voiler le sens des mots pour les vider de leur substance, et poser un vernis de décence sur une activité qui ne l’est pas.

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