Suite à la parution de l’étude Les jeunes français et la lecture1, réalisée par ipsosfrance avec le Centre national du livre, nous apprenons qu’un genre est particulièrement populaire chez les adolescentes (16 – 19 ans) : la dark romance. Une information inquiétante lorsque l’on sait qu’elle banalise la violence à l’encontre des femmes.
Qu’est-ce que la dark romance ?
Extrait de Captive, Sarah Rivens.
Extrait de Captive, Sarah Rivens.
Extrait de L’Ombre d’Adeline, H.D Carlton.
Une fiction trop proche de la réalité
Extrait de Captive, Sarah Rivens.
La réalité est tout autre :
- En 2022, 118 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire.
- En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d’une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 321 000 femmes.
- En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d’une année, sont victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles est estimé à 217 000 femmes (il s’agit d’une estimation minimale).
- Dans 49 % des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 21 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits6.
Pourquoi est-ce dangereux ?
Extrait de L’Ombre d’Adeline, H.D Carlton.
Un conditionnement de masse
Extrait de L’Ombre d’Adeline, H.D Carlton.
Comme mentionné plus tôt, la dark romance est aujourd’hui largement répandue par la faute des réseaux sociaux comme Tiktok qui, par le biais de ses « tendances », a vu florir pléthore de contenus mentionnant ou glorifiant la dark romance.
- Les vidéos qui, sur fond de musiques romantiques, vont citer des passages des livres les plus connus, majoritairement des passages explicitement sexuels et malsains, tout en présentant ça comme quelque chose de désirable.
- D’autres qui montrent des jeunes femmes fantasmant sur des criminels/mercenaires/membres de gang comme idéal amoureux.
- Certaines qui illustrent des moments où l’homme doit « prendre/garder/reprendre le contrôle », souvent en s’affirmant sexuellement.
- Des jeunes filles mineures qui montrent comment lire de la dark romance sans se faire remarquer par leurs parents (avec notamment l’utilisation du pass culture).
- De plus en plus de fantasmes sur « l’asphyxie érotique », autrement dit le fait d’être étranglée, qui non seulement peut tuer mais cause des dommages parfois irréversibles sur le fonctionnement du cerveau. Certaines qui illustrent des moments où l’homme doit « prendre/garder/reprendre le contrôle », souvent en s’affirmant sexuellement.
- Des publicités récurrentes entre deux vidéos pour des histoires avec « un mâle alpha » qui vous choisit comme étant sa chose et vous incite à cliquer pour avoir la suite de l’histoire.
Quelles sont les solutions ?
- Réduire au maximum l’accès à ces ouvrages par le biais d’une limite d’âge (comme dans le cas des jeux vidéos) avec un contrôle avant achat. Cela n’endiguera pas totalement le phénomène mais pourrait permettre le freiner, surtout pour les moins téméraires.
- Afin que les romans ne soient pas feuilletés pas des mineur·es, les ouvrages de dark romance pourraient être systématiquement mis sous blister comme c’est le cas de bande dessinée érotiques et de quelques rares romans. Cela permettrait aussi aux libraires d’avoir une indication sur le public auquel doit être vendu ces ouvrages.
- Faire de la prévention auprès des libraires et bibliothécaires qui, en plus d’avoir affaire aux jeunes, auront aussi affaire aux parents. D’après certains témoignages, les parents sont souvent envoyés en librairie chercher de la dark romance sous prétexte « d’une lecture scolaire » et achètent sans avoir connaissance du contenu de ces livres.
- De même, un contrôle du contenu favorisant et romantisant les relations nocives et violentes sur les réseaux sociaux serait également un bon début, via par exemple une facilitation du signalement, un retrait temporaire de la plateforme des contenus signalés tant qu’ils ne sont pas contrôlés, le retrait total des publicités pour des contenus violents et érotiques, etc. Cette utilisation de l’algorithme éviterait la mise en avant de contenus sexualisés vers les comptes de personnes mineures.
- De plus, une note de prévention en première page du livre accompagnée d’un baromètre des violences semblent indispensables pour informer les lectrices, y compris celles qui sont majeures, que ce qu’elles lisent n’est en aucun cas souhaitable dans la réalité puisque ce sont des violences.
Avant de vous quitter, j’aimerais vous montrer quelques avis publiés sur Booknode et Babelio par des jeunes femmes à propos d’ouvrages de dark romance populaires :
🖤🤍
Johanna.
Recommandation de lecture :
Qui n’a jamais jubilé devant la vengeance sanglante de Breatrix Kiddo dans Kill Bill ? Fondu devant la rencontre d’Allie et Noah dans N’oublie jamais ? Ri aux éclats devant Friends ? Chanté à tue-tête devant Grease ? À travers l’archétype du bad boy, les scénarios balisés des comédies romantiques, la profusion de baisers « volés », et même les dessins animés de notre enfance, ce livre nous plonge dans les eaux troubles de la pop culture pour révéler comment la fiction influence insidieusement nos comportements et nos relations amoureuses. En analysant les rouages de la narration, l’autrice démystifie nos fascinations et idées reçues, et met à nu les dynamiques toxiques qui s’étalent sur nos écrans. Comment les films et les séries parviennent-ils à nous faire apprécier des comportements douteux, voire illégaux, y compris dans la vie réelle ? Comment nous inculquent-ils qu’il est normal d’aimer avoir mal ou qu’on nous fasse du mal ? Comment nous apprennent-ils à désirer la violence ? Un essai percutant, émaillé d’exemples précis et ponctué d’analyses de spécialistes (historiennes, scénaristes, linguiste, psychanalyste, sexologue…), qui invite à une réflexion profonde et audacieuse sur les violences sexistes et sexuelles qui se cachent sous le vernis de nos divertissements préférés.
