Homophobie &
transition 2/4

Homophobie & transition 2/4

Position n°2 : ça arrive et c’est OK
Les docteur·es qui transitionnent les lesbiennes
Au commencement, les docteurs du genre refusaient de transitionner des femmes hétérosexuelles. Les seules qu’ils acceptaient de traiter étaient des femmes lesbiennes, et cela ne leur posait aucun problème – ils ne s’embêtaient pas à faire la distinction entre transsexuelles et homosexuelles, à l’instar de ce qu’ils faisaient pour les hommes.. Le psychiatre Robert Stoller de l’UCLA (University of California, Los Angeles) a même fini par estimer que la transsexualité féminine n’était rien de plus que « la forme ultime de l’homosexualité ».
Susan Bradley
La psychiatre Susan Bradley a fondé en 1975 une clinique de l’identité de genre pour mineur·es à Toronto. J’ai déjà évoqué précédemment Gender Identity Disorder and Psychosexual Problems in Children and Adolescents, le livre réactionnaire publié en 1995 qu’elle a co-écrit avec Kenneth Zucker.
En 2022, Bradley évoquait une de ses premières patientes, une jeune femme désirant être un homme. Bradley l’a « aidé » à obtenir une transition médicale. Peu après, sa patiente « a pu se marier » avec sa meilleure amie.
« Je ne pense pas qu’il [elle] ait jamais considéré faire… être gay, ou être lesbienne et s’engager dans ce type de relation. »
Des années plus tard, alors qu’elle faisait le deuil de son épouse décédée, cette patiente de Susan Bradley a décidé qu’elle avait besoin d’une phalloplastie. Bradley se rappelle en riant avoir « signé les papiers » afin que sa patiente subisse cette chirurgie risquée et mutilante consistant à découper une bande de peau sur une partie du corps, la façonner en forme de tube et la suturer sur l’entrejambe. Elle ajoute : « La situation s’est avérée très intéressante pour moi. »
Lors de cet entretien, les deux animatrices du podcast (Sasha Ayad et Stella O’Malley) ont abordé le sujet de la conversion par transition de jeunes homosexuel·les. Bradley admet que « il est possible que certain·es [jeunes s’identifiant comme trans] se révèlent gays ou lesbiennes ». Mais elle affirme qu’elle ne pouvait pas aider ces patient·es à l’époque car il n’existait pas de « groupes de soutien » vers lesquels les orienter. Apparemment, évoquer elle-même le sujet avec ses patient·es n’était pas une option.
Bradley s’est défendue d’avoir causé du tort à cette jeune patiente lesbienne en la transitionnant au cours des années 70 :
« J’aurais sans doute eu bien du mal à la convaincre de vivre en tant que lesbienne à ce moment-là car ce n’était pas une situation socialement bien acceptée… elles ressentaient n’avoir pas d’autres solutions… la question était : que faire de ça ? [rire]… mais je pense que certaines [lesbiennes] peuvent obtenir quelque chose par cette transition, une personne qui les accepte pour ce qu’elles sont, et je pense que c’est ça qui va fonctionner. »
Quelle formation Bradley a‑t-elle cherché à obtenir pour comprendre les lesbiennes, et quand ? A‑t-elle apporté une aide thérapeutique à sa patiente afin de surmonter son deuil avant de la recommander pour une chirurgie génitale ?
Depuis quelques années, Susan Bradley s’est montrée inquiète de la transition de jeunes autistes.
Ray Blanchard
Le psychologue Ray Blanchard est mondialement connu pour son travail sur les fétichistes transsexuels (hommes transitionnant vers le sexe féminin) dans les années 80 et 90, qu’il a nommé « autogynéphiles ». Comme nombre de ses pairs, il a observé que la plupart des transsexuels étaient homosexuels ou des fétichistes. En 2023, dans un podcast tenu par la féministe Julie Bindel, il expliquait qu’il ne s’était jamais vraiment intéressé aux patients gays car, pour eux, la transition n’était « qu’une étape de plus ». Il décrit aussi cette cohorte comme des « hommes gays efféminés qui franchissent le pas ».
En 2017, Blanchard a co-écrit avec le psychologue Michal Bailey un article pour le site 4th Wave Now. Leur but était d’expliquer les différents types de dysphorie de genre à un lectorat principalement composé de parents d’adolescent·es s’identifiant comme trans, beaucoup de ces jeunes présentant le type « dysphorie de genre à présentation rapide » (« rapid-onset gender dysphoria », ROGD). Puisque ces jeunes étaient assez typiquement masculins (pour les garçons) ou féminines (pour les filles), iels étaient probablement hétéro. Blanchard et Bailey déclarent :
« À nos yeux, le groupe [de jeunes s’identifiant comme trans] atteints de dysphorie de genre à présentation rapide, ainsi que leur famille, subit le sort le plus tragique… Ils risquent des interventions médicales inutiles, mutilantes et nuisibles pour leur santé. »
J’imagine qu’ils sous-entendent que ces interventions sont nécessaires pour les jeunes homosexuel·les dysphoriques qui rejettent les stéréotypes de genre qu’on leur impose depuis leur enfance. Pourtant, il n’y a aucune étude crédible pour soutenir une telle idée. La rumeur prétend que Blanchard est gay. Mais pas du genre à franchir le pas, manifestement.
Les manuels
Par le passé, les institutions psychiatriques états-uniennes se sont inquiétées pour les personnes homosexuelles, mais ce n’est manifestement plus le cas, si on en croit leurs manuels.
En 1994, l’American Psychiatric Association publiait la quatrième édition de son Diagnostic & Statistical Manuel (DSM‑4). Il contenait un diagnostic intitulé « trouble sexuel non-spécifié » (« sexual disorder NOS ») incluant une « détresse marquée et persistante concernant sa propre orientation sexuelle ».
Cela signifiait que les thérapeutes devaient être vigilant·es face au risque d’homophobie intériorisée. Quand il fallait décider quel diagnostic apposer à un·e patient·e souffrant de trouble de l’identité de genre (ou tout autre problème), les psychiatres devaient déterminer si leur patient·e pouvait, en réalité, souffrir de ce trouble sexuel non-spécifié.
En 2013, la cinquième édition du manuel a été publiée. Il ne contient aucun diagnostic lié à l’orientation sexuelle. En 2015, l’American Psychological Association a publié son Guide pour pratiquer la psychologie avec des personnes transgenres et non-conformes au genre [TNCG]. Il n’y a aucun avertissement quant au risque de diagnostiquer une personne homosexuelle comme trans. Pourtant, il contient cette observation :
« Grâce à un plus grand confort dans leur corps et leur identité de genre, les personnes TNCG peuvent explorer certains aspects précédemment cachés de leur orientation sexuelle ou qui leur semblait en dissonance avec leur sexe assigné à la naissance. »
Autrement dit, certaines personnes homosexuelles ne peuvent entamer des relations avec les personnes qui les attirent qu’à condition de se présenter comme des membres de l’autre sexe – et donc de passer pour hétéro. Est-ce que ces patient·es devraient être traité·es pour leur homophobie intériorisée ? Non, car cela n’existe pas (selon le DSM‑5).
Parmi les rédactrices et rédacteurs de ce guide apparaissent Walter Bockting, qui s’est parjuré en 2008, et Laura Edwards-Leeper, qui a lancé sa carrière en aidant Norman Spack à transitionner des ados de 12 ans.
Le DSM‑5 et le Guide pour pratiquer la psychologie avec des personnes TNGC de 2015 remarquent tous deux qu’il existe un lien entre homosexualité et détresse « de genre ». Le guide, par exemple, dit ceci :
« Bien que quelques études suggèrent un lien potentiel entre développement de l’identité de genre et l’orientation sexuelle, le mécanisme sous-tendant cette relation est inconnu. »
Ces manuels présentent les faits de façon neutre mais n’en tiennent pas compte.
Les thérapeutes de la clinique Tavistock
Hannah Barnes, la journaliste ayant rédigé Time to Think, décrit ainsi les vues de certain·es praticien·nes de Tavistock :
« [Ils] reconnaissent que, bien qu’ils soupçonnent que certains de ces jeunes gens pourraient être gays, le monde dans lequel ils vivent rend préférable le fait d’être trans (et hétéro). Ce n’était pas, à leurs yeux, une « thérapie de conversion pour les jeunes gays », mais, tout simplement, la réalité. Le D. Alex Morris, psychologue de son état, donne pour exemple un jeune [garçon] vivant dans une partie rurale du pays. »
Morris dit à Barnes :
« Sont-ils vraiment gays ? Ou sont-ils vraiment trans ? Ou est-ce une façon improductive de réfléchir au problème ? Pour moi, c’est une façon improductive d’y penser. »
Ailleurs dans le livre, Barnes cite la praticienne Natasha Prescott :
« Donc, parfois je soulevais la question [auprès mes collègues], et tout le monde réagissait comme si, je ne sais pas, ils étaient anxieux ou se sentaient attaqués. Mais quand même, il y avait une réelle envie de protéger les gens contre des émotions désagréables, horribles, donc quelqu’un interviendrait et détendrait l’atmosphère. »
Je me demande si Morris faisait partie de ces thérapeutes qui cherchaient à éviter des « émotions désagréables ».
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1 Livre non traduit en français. NdT.


2Au vu des propos tenus sur les femmes (et les hommes transsexuels leur ressemblant) dans son livre The man who would be queen, il est clair que Michael Bailey est très hétéro. On s’en serait d’ailleurs bien passé. NdT

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